Jacques Voyer

A BORD DU CAPO OLMO

Jacques Voyer est un jeune Toulonnais de 17 ans lorsque l’impensable se produit et que la France s’effondre sous l’assaut des divisions Panzer d’Adolf Hitler en juin 1940. Il décide alors de partir pour Alger et parvient à s’embarquer sur le cargo “Capo Olmo” à Marseille. Le bâtiment, commandé par le capitaine Humbert Vuillemin, est surchargé d’équipement militaire et de fret. Il largue les amarres le 24 juin au sein du dernier convoi pour Oran. Toutefois, inquiet que l’armistice imminent n’immobilise son navire en Afrique du Nord et le prive de toute option pour continuer le combat, le capitaine Vuillemin orchestre l’évasion du “Capo Olmo”. Dès l’annonce de l’armistice, les machines du cargo semblent souffrir d’une panne conséquente qui force l’escorteur du convoi à abandonner le « Capo Olmo ».

Dès la disparition du convoi sur l’horizon, le commandant Vuillemin fait remettre les chaudières en route. Le navire ajuste son cap et augmente sa vitesse au maximum pour rejoindre la liberté, et le général de Gaulle: le 27 juin, il rallie Gibraltar. Incorporé dans un convoi britannique, le cargo arrive à Liverpool le 16 juillet.

CHASSEURS DE LA FRANCE LIBRE

À Londres, Jacques Voyer et ses camarades du “Capo Olmo” s’engagent dans les toutes nouvelles Forces françaises libres. Jacques rejoint la deuxième compagnie des Chasseurs, en garnison à Delville Camp, puis dans les villas de Camberley et enfin sur la colline d’Old Dean, où les Royal Engineers ont construit un camp morne rapidement surnommé “Les Hauts de Hurlevent”. Jacques Voyer devient spécialiste puis instructeur en transmissions radio. En août 1941, il est recruté par le BCRA, le bureau central de renseignement et d’action, et prêté à l’Intelligence Service anglais (MI6) pour entreprendre des missions clandestines en France.

WIRELESS TRANSMISSIONS OPERATOR

Jacques est formé par le l’IS, principalement à Londres et par la RAF. Il effectue un stage de parachutiste à Ringway en septembre 1941, ainsi qu’un stage d’une semaine chez les pilotes du 138 Special Duty Squadron à Haymarket. Chez ces derniers, Jacques Voyer apprend à rechercher des terrains d’atterrissages clandestins et à mettre en place un comité de réception.

Enfin, au cours de la nuit du 5 au 6 novembre 1941, il est parachuté dans le sud-ouest de la France sous le nom de code EMERAUDE pour rejoindre le circuit CARTWRIGHT via leur antennne de la zone sud. Mais CARTWRIGHT a été arrêté et ABEL, responsable de l’antenne sud s’est associé à un autre circuit de l’Intelligence Service: MITHRIDATE. Jacques Voyer rejoint alors ce réseau qui opère sur l’entier de la zone libre. A Clermont-Ferrand, il obtient de “vrais” faux-papiers sous l’alias Lucien Boyer. Pour MITHRIDATE, il voyage dans toute la zone sud et jusqu’en Corse, où il essaie de mettre en place une nouvelle liaison radio. 

PASSAGE A L’ACTION

En juillet 1942, Jacques Voyer demande à son camarade Joseph Piet, radio de la branche action et contre-espionnage du réseau ALI-TIR à Saint-Étienne, de le faire passer dans cette organisation. Le réseau MITHRIDATE est en mauvaise posture suite à une descente de police dans plusieurs villas de Saint-Raphaël et est replié sur Caylus. Au mois d’août 1942, Gaston Tavian (TIR), vient chercher EMERAUDE: Joseph Piet a été arrêté et il lui faut un nouveau radio. EMERAUDE est responsable des transmissions radio du réseau et de l’instruction des opérateurs radio recrutés localement. Il participe par ailleurs à l’organisation de quelques atterrissages clandestins, notamment de la mission LOBSTER/CUTTLEFISH, pour laquelle il est seul au sol. Recherché par la Gestapo dès le mois de janvier 1943, il est finalement exfiltré et de retour en Angleterre le 21 avril 1943. À une époque où un opérateur radio peut espérer rester opérationnel en moyenne trois mois avant d’être arrêté ou tué, EMERAUDE a réussi à rester actif pendant dix-huit mois. Il reçoit deux citations pour ce succès.

SCOUTISME

Le printemps et l’été 1943 le voient retourner à sa passion du scoutisme, en attendant une nouvelle mission. Attaché au quartier-général de la Fédération du scoutisme à Londres, il est chargé de la communication avec les différents clans de route qui se sont formés en Grande-Bretagne, mais aussi sur les navires FNFL et dans les unités combattantes en Afrique. Il participe aussi à plusieurs camps et rassemblements internationaux et passe son Wood badge de chef à Auchengillan, en Écosse. Il participe aussi à l’animation du comité “Jeunes de France”, qui s’occupe de réfléchir à la question de l’encadrement de la jeunesse d’après-guerre. 

LE PLAN SUSSEX

En octobre 1943, il est recruté pour l’opération SUSSEX, la mission de renseignement inter-alliée, chargée de soutenir OVERLORD et le Débarquement en Normandie. Parachutés en France sur des cibles stratégiques (noeuds ferroviaires, aérodromes, grandes routes), les équipes sont composées d’un observateur et d’un radio. Observateur du réseau OSSEX (OSS SUSSEX) VITRAIL, Jacques Voyer est parachuté avec un opérateur radio, André Guillebaud, le 10 avril 1944. Leur mission: organiser un réseau de renseignement à Chartres. Le réseau de Chartres ne compte que quelques personnes mais il est très efficace, couvrant la gare ainsi que les aérodromes locaux. Quelques jours avant le Débarquement, son réseau signale la localisation de la division blindée Panzer Lehr, fleuron de la Wehrmacht. SHAEF déclarera que ce renseignement à lui seul valait tout le prix du plan SUSSEX: bombardée pendant son avancée vers le front, la Panzer Lehr arrivera trop tard pour repousser les Alliés.

Le soir du 10 juin, Jacques Voyer est à nouveau en vadrouille sur sa moto pour observer les mouvements de troupe ennemis quand il est arrêté par une patrouille de la Feldgendarmerie. Il se trouve qu’il porte sur lui des documents terriblement compromettants, que son radio vient de lui remettre. Jacques tente de s’évader, mais il est abattu dans sa fuite et arrêté à nouveau. Emprisonné et torturé pendant plus d’une semaine, il ne parle pas, permettant à son réseau de disparaître. Condamné à la peine de mort pour espionnage, il est fusillé à l’aube du 27 juin sur le champ de tir de Chavannes. Il avait 21 ans.

  • Chevalier de la Légion d’Honneur
  • Compagnon de la Libération – décret du 20 janvier 1946
  • Croix de Guerre 39/45 (3 palmes)
  • Médaille de la Résistance avec rosette
  • Médaille Commémorative des Services Volontaires dans la France Libre
  • Distinguished Service Cross (USA)